
L'équipe de rédaction de prepas.org a le plaisir de vous proposer une nouvelle rubrique consacrée à la découverte des écoles d'ingénieurs. Aujourd'hui, l'École Centrale de Lille nous ouvre ses portes et son directeur, Emmanuel Duflos, nous présente son établissement et la formation spécifique reçue par les élèves-ingénieurs centraliens. Merci à lui et à ses équipes !
[prepas.org] – Parmi vos différentes casquettes, Emmanuel Duflos, vous dirigez l'École Centrale de Lille. Cette dernière est membre du groupe Centrale Lille. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots sa structure, les différentes écoles qui la composent et leurs interactions ?
[Emmanuel Duflos] – L'École Centrale de Lille est l'une des quatre écoles internes de Centrale Lille, aux côtés de l'École Nationale Supérieure de Chimie de Lille (ENSCL) et de deux écoles d'ingénieurs postbac, l'ITEEM et l'IG2I.

L'École Centrale de Lille est située sur le même campus de Villeneuve d'Ascq, à proximité des laboratoires de recherche, et à 15 minutes en métro du centre de Lille.
[prepas.org] – Votre école est par ailleurs membre du réseau des Écoles Centrale. Quels sont les projets qu'il porte, au-delà du concours bien connu des étudiants de classes préparatoires ?
[Emmanuel Duflos] – Le Groupe des Écoles Centrale (GEC), fondé en 1990, est constitué de cinq établissements autonomes (CentraleSupélec, Centrale Lyon, Centrale Nantes, Centrale Lille et Centrale Marseille). Le GEC est une instance où se déploie une forte collaboration pédagogique et c'est aussi le lieu où se structure une stratégie commune de développement à l'international via des accords, des implantations à l'international (Centrale Pékin, Mahindra École Centrale et Centrale Casablanca) et même, aujourd'hui, la création de bachelors internationaux. Les Écoles Centrale développent des programmes d'échange entre les différentes écoles (françaises et internationales).
Le GEC est également la structure qui porte le concours commun Centrale-Supélec avec des épreuves pensées pour recruter puis ensuite former un certain type d'ingénieur. Les professeurs le savent, sans doute moins le grand public : à travers des épreuves de maths et de physique, on peut recruter des profils différents en allant chercher des compétences différentes. Toutes nos épreuves sont calibrées pour recruter une certaine typologie de futurs élèves-ingénieurs centraliens, ce qui fait qu'à travers des cursus ou des mises en œuvre propres à chaque École Centrale, on retrouve à la fin une matrice commune : l'ingénieur Centralien.
[prepas.org] – Vous faîtes référence au fameux profil d'ingénieur centralien. Quelles sont pour vous sa marque de fabrique ? Comment se forgent de telles compétences à travers la formation reçue par les étudiants ?

Si la marque de fabrique diffère parfois autant d'une école d'ingénieurs à l'autre, c'est que les écoles entendent répondre aux différences de besoins exprimés par les entreprises et forment de ce fait à de multiples métiers d'ingénieurs. Un ingénieur centralien, c'est avant tout un ingénieur de la complexité. Il doit être capable d’appréhender tout problème, toute situation, de manière transversale et interdisciplinaire : par sa maîtrise des différentes sciences pour l'ingénieur, mais aussi en intégrant la dimension humaine, les aspects sociétaux, les dimensions de l'entreprise... tout en sachant par ailleurs gérer l'incertitude ! On ne sait pas tout, on ne saura jamais tout. À chaque étape d'un processus, des décisions doivent être prises et cela s'apprend. Un ingénieur centralien est un ingénieur que l'on va former pour aborder des problématiques propres aux interfaces. La création d'un data center va par exemple mêler des problématiques informatiques, énergétiques, de génie civil, environnementales... L'ingénieur centralien est rompu à cela. Et on s'attache à inculquer une altérité forte : savoir entendre et intégrer des points de vue complémentaires, voire différents des siens, pour construire et proposer une solution. Un ingénieur centralien est en quelque sorte un intégrateur dans toutes ses dimensions, rompu aux approches holistiques.

[Emmanuel Duflos] – Notre école propose en troisième année huit parcours organisés autour de quatre thèmes : « de la stratégie à la maîtrise des données », « énergie et construction durable », « systèmes et environnements intelligents » et « industrie du futur ». Nous travaillons actuellement à la conception d'un nouveau thème autour de l'ingénierie et de la santé en partenariat avec le CHU de Lille. Cette approche par filière va de pair avec la découverte de métiers : responsable supply-chain, responsable de projets internationaux...

Le cursus se veut résolument différenciant, y compris sur les deux premières années. La personnalisation est très forte dès le début du S6 (en première année) avec des choix d'électifs qui permettent à l'étudiant de construire son projet professionnel et de développer une meilleure connaissance de lui-même.
Concernant la transition avec la classe préparatoire, si cette dernière constitue les deux premières années dans la formation d'un ingénieur en cinq ans, nous avons fait le choix d'introduire en début de cursus une rupture. Dès leur arrivée à Centrale Lille, les étudiants sont amenés pendant deux mois à découvrir le monde de l'entreprise, le métier de l'ingénieur et les caractéristiques de l'ingénieur centralien dans sa dimension transversale. Des entreprises sont ainsi invitées à présenter leurs activités. Nous organisons des petits challenges pendant lesquels les étudiants sont amenés à concevoir des produits et à les présenter devant des chefs d'entreprise. Les retours ne se fondent pas uniquement sur des éléments scientifiques et technologiques mais s'appuient sur toute l'expertise des chefs d'entreprises. Des alumni interviennent également pour partager leur expérience du métier d'ingénieur. Cette période est pour nous importante dans le sens où après deux années de classes prépa, les étudiants pourraient avoir l'impression de n'avoir que des connaissances théoriques. Le but est de leur montrer qu'ils savent déjà faire des choses, comme concevoir un petit robot. Mais il leur manque nécessairement des compétences pour aller plus loin, et c'est la suite du cursus qui va leur apporter. Ces travaux courent jusqu'à la Toussaint puis les étudiants reviennent à des activités plus « traditionnelles » avec, entre autres, des cours de mathématiques et de physique.

[Emmanuel Duflos] – Les entreprises sont très présentes dans les gouvernances des écoles, dans une visée prospective. Nous mettons en place des lieux institutionnels où les entreprises viennent s'exprimer pour alimenter un sujet donné. Et lors de la préparation d'une réforme des cursus, les entreprises sont consultées largement, bien au-delà de notre cercle d'entreprises partenaires avec lesquelles les échanges sont plus réguliers.
L'objectif constant est de se projeter à 5 ou 10 ans pour identifier les compétences qui seront attendues pour nos ingénieurs et de se demander, pour répondre aux besoins, quels seront les enseignements spécifiques à mettre en place. Les entreprises sont par ailleurs présentes dans les enseignements. La recherche à l'école produit également des interactions très significatives avec les entreprises et nos enseignants chercheurs développent de ce fait des liens étroits avec les entreprises. S'ajoute à cela le développement de chaires d'enseignements autour de thématiques données (modélisation et architecture d'entreprises, réseaux électriques...) qui donnent lieu à des conseils de perfectionnement annuels. Les entreprises sont donc très présentes, de façon continue et à différents niveaux de granularité.