Zoom sur... Centrale Lille !

L'équipe de rédaction de prepas.org a le plaisir de vous proposer une nouvelle rubrique consacrée à la découverte des écoles d'ingénieurs. Aujourd'hui, l'École Centrale de Lille nous ouvre ses portes et son directeur, Emmanuel Duflos, nous présente son établissement et la formation spécifique reçue par les élèves-ingénieurs centraliens. Merci à lui et à ses équipes !

[prepas.org] – Parmi vos différentes casquettes, Emmanuel Duflos, vous dirigez l'École Centrale de Lille. Cette dernière est membre du groupe Centrale Lille. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots sa structure, les différentes écoles qui la composent et leurs interactions ?

[Emmanuel Duflos] – L'École Centrale de Lille est l'une des quatre écoles internes de Centrale Lille, aux côtés de l'École Nationale Supérieure de Chimie de Lille (ENSCL) et de deux écoles d'ingénieurs postbac, l'ITEEM et l'IG2I.

Chaque année, notre institut accueille plus de 2200 étudiants, diplôme 350 élèves-ingénieurs et forme près de 140 doctorants. Les interactions entre écoles composantes sont nombreuses : les masters/doctorats sont mutualisés, tout comme le corps enseignant, et la recherche est également portée au niveau de l'Institut. L'intégration récente de l'ENSCL (en 2020) permet de développer de nouvelles synergies autour, entre autres, de la chimie numérique.

L'École Centrale de Lille est située sur le même campus de Villeneuve d'Ascq, à proximité des laboratoires de recherche, et à 15 minutes en métro du centre de Lille.

[prepas.org] – Votre école est par ailleurs membre du réseau des Écoles Centrale. Quels sont les projets qu'il porte, au-delà du concours bien connu des étudiants de classes préparatoires ?

[Emmanuel Duflos] – Le Groupe des Écoles Centrale (GEC), fondé en 1990, est constitué de cinq établissements autonomes (CentraleSupélec, Centrale Lyon, Centrale Nantes, Centrale Lille et Centrale Marseille). Le GEC est une instance où se déploie une forte collaboration pédagogique et c'est aussi le lieu où se structure une stratégie commune de développement à l'international via des accords, des implantations à l'international (Centrale Pékin, Mahindra École Centrale et Centrale Casablanca) et même, aujourd'hui, la création de bachelors internationaux. Les Écoles Centrale développent des programmes d'échange entre les différentes écoles (françaises et internationales).

« À travers des épreuves de maths et de physique, on peut recruter des profils différents en allant chercher des compétences différentes. »


Le GEC est également la structure qui porte le concours commun Centrale-Supélec avec des épreuves pensées pour recruter puis ensuite former un certain type d'ingénieur. Les professeurs le savent, sans doute moins le grand public : à travers des épreuves de maths et de physique, on peut recruter des profils différents en allant chercher des compétences différentes. Toutes nos épreuves sont calibrées pour recruter une certaine typologie de futurs élèves-ingénieurs centraliens, ce qui fait qu'à travers des cursus ou des mises en œuvre propres à chaque École Centrale, on retrouve à la fin une matrice commune : l'ingénieur Centralien.

[prepas.org] – Vous faîtes référence au fameux profil d'ingénieur centralien. Quelles sont pour vous sa marque de fabrique ? Comment se forgent de telles compétences à travers la formation reçue par les étudiants ?

[Emmanuel Duflos] – L'École Centrale de Lille a fait le choix de refondre complètement son cursus en 2017 en partant d'une page blanche. La formation a été structurée autour de différents axes pédagogiques mais aussi de trois valeurs cardinales que sont pour nous l'audace, l'exigence et le respect. L'audace, c'est oser sans avoir peur et explorer pour aller plus loin. Cette qualité transparaît par exemple dans les défis que nous avons intégrés à notre cursus, comme les challenges de leadership de situations extrêmes, pour apprendre à faire face à des situations de crise. L'exigence, c'est se dépasser pour donner le meilleur de soi-même. Cette exigence se retrouve notamment au niveau du concours et des jurys de passage en école et fonde la reconnaissance de notre diplôme. Ces deux valeurs entrent en résonance forte avec une troisième, le respect. Cette considération à l'égard des étudiants et de tous les personnels de l'école se traduit, par exemple, par la volonté d'être à l'écoute des élèves, de respecter les différentes voix, de les accompagner dans la construction d'un projet. C'est aussi la volonté de former des personnes responsables qui sauront tenir compte dans leur réflexion des impacts des décisions qu'elles seront amenées à prendre.

« Un ingénieur centralien est avant tout un ingénieur de la complexité. »


Si la marque de fabrique diffère parfois autant d'une école d'ingénieurs à l'autre, c'est que les écoles entendent répondre aux différences de besoins exprimés par les entreprises et forment de ce fait à de multiples métiers d'ingénieurs. Un ingénieur centralien, c'est avant tout un ingénieur de la complexité. Il doit être capable d’appréhender tout problème, toute situation, de manière transversale et interdisciplinaire : par sa maîtrise des différentes sciences pour l'ingénieur, mais aussi en intégrant la dimension humaine, les aspects sociétaux, les dimensions de l'entreprise... tout en sachant par ailleurs gérer l'incertitude ! On ne sait pas tout, on ne saura jamais tout. À chaque étape d'un processus, des décisions doivent être prises et cela s'apprend. Un ingénieur centralien est un ingénieur que l'on va former pour aborder des problématiques propres aux interfaces. La création d'un data center va par exemple mêler des problématiques informatiques, énergétiques, de génie civil, environnementales... L'ingénieur centralien est rompu à cela. Et on s'attache à inculquer une altérité forte : savoir entendre et intégrer des points de vue complémentaires, voire différents des siens, pour construire et proposer une solution. Un ingénieur centralien est en quelque sorte un intégrateur dans toutes ses dimensions, rompu aux approches holistiques.

[prepas.org] – La refonte du cursus en 2017 fait la part belle aux parcours d'enseignements en troisième année, quels sont-ils ? Les étudiants ont-il également la possibilité de personnaliser leur formation lors des deux premières années ? Et enfin, quelles modalités pédagogiques sont mises en œuvre par l'École Centrale de Lille pour organiser la transition prépa-école ?

[Emmanuel Duflos] – Notre école propose en troisième année huit parcours organisés autour de quatre thèmes : « de la stratégie à la maîtrise des données », « énergie et construction durable », « systèmes et environnements intelligents » et « industrie du futur ». Nous travaillons actuellement à la conception d'un nouveau thème autour de l'ingénierie et de la santé en partenariat avec le CHU de Lille. Cette approche par filière va de pair avec la découverte de métiers : responsable supply-chain, responsable de projets internationaux...

« Les évolutions technologiques et scientifiques seront d'autant mieux comprises par un ingénieur si elles sont accompagnées d'une dimension sociologique et politique. »


Une autre des grandes richesses de l'école est de pouvoir offrir aux étudiants la possibilité de suivre des doubles diplômes. Nous avons mis en place de nombreux accords à l'étranger et en France. Je citerai en guise d'exemple le double diplôme « Ingénieur - Manager » en partenariat avec l'EDHEC ou le tout récent Master « Sociétés numériques » en partenariat avec Sciences Po Lille. Ce dernier s'est fondé sur la conviction que les évolutions technologiques et scientifiques seront d'autant mieux comprises par un ingénieur si elles sont accompagnées d'une dimension sociologique et politique. Nous mettons également en place des partenariats académiques, recherche et entreprises pour favoriser l'immersion de nos étudiants dans les entreprises et dans les laboratoires de recherche, pour découvrir de nouveaux métiers ou faciliter les poursuites en thèse.

Le cursus se veut résolument différenciant, y compris sur les deux premières années. La personnalisation est très forte dès le début du S6 (en première année) avec des choix d'électifs qui permettent à l'étudiant de construire son projet professionnel et de développer une meilleure connaissance de lui-même.

Concernant la transition avec la classe préparatoire, si cette dernière constitue les deux premières années dans la formation d'un ingénieur en cinq ans, nous avons fait le choix d'introduire en début de cursus une rupture. Dès leur arrivée à Centrale Lille, les étudiants sont amenés pendant deux mois à découvrir le monde de l'entreprise, le métier de l'ingénieur et les caractéristiques de l'ingénieur centralien dans sa dimension transversale. Des entreprises sont ainsi invitées à présenter leurs activités. Nous organisons des petits challenges pendant lesquels les étudiants sont amenés à concevoir des produits et à les présenter devant des chefs d'entreprise. Les retours ne se fondent pas uniquement sur des éléments scientifiques et technologiques mais s'appuient sur toute l'expertise des chefs d'entreprises. Des alumni interviennent également pour partager leur expérience du métier d'ingénieur. Cette période est pour nous importante dans le sens où après deux années de classes prépa, les étudiants pourraient avoir l'impression de n'avoir que des connaissances théoriques. Le but est de leur montrer qu'ils savent déjà faire des choses, comme concevoir un petit robot. Mais il leur manque nécessairement des compétences pour aller plus loin, et c'est la suite du cursus qui va leur apporter. Ces travaux courent jusqu'à la Toussaint puis les étudiants reviennent à des activités plus « traditionnelles » avec, entre autres, des cours de mathématiques et de physique.

[prepas.org] – Le contact avec les entreprises est un maillon essentiel dans la professionnalisation des étudiants. Comment les entreprises accompagnent-elles la direction de Centrale Lille dans le « maquettage » de la formation ? Comment vous adaptez-vous aux besoins évolutifs du monde industriel et entrepreneurial ?

[Emmanuel Duflos] – Les entreprises sont très présentes dans les gouvernances des écoles, dans une visée prospective. Nous mettons en place des lieux institutionnels où les entreprises viennent s'exprimer pour alimenter un sujet donné. Et lors de la préparation d'une réforme des cursus, les entreprises sont consultées largement, bien au-delà de notre cercle d'entreprises partenaires avec lesquelles les échanges sont plus réguliers.

« L'objectif constant est de se projeter à 5 ou 10 ans pour identifier les compétences qui seront attendues pour nos ingénieurs. »


L'objectif constant est de se projeter à 5 ou 10 ans pour identifier les compétences qui seront attendues pour nos ingénieurs et de se demander, pour répondre aux besoins, quels seront les enseignements spécifiques à mettre en place. Les entreprises sont par ailleurs présentes dans les enseignements. La recherche à l'école produit également des interactions très significatives avec les entreprises et nos enseignants chercheurs développent de ce fait des liens étroits avec les entreprises. S'ajoute à cela le développement de chaires d'enseignements autour de thématiques données (modélisation et architecture d'entreprises, réseaux électriques...) qui donnent lieu à des conseils de perfectionnement annuels. Les entreprises sont donc très présentes, de façon continue et à différents niveaux de granularité.